Hommage à Werner Lauterborn

Werner Lauterborn vient de nous quitter. Pour tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, de partager du temps et de travailler avec lui c’est une immense tristesse.

Werner Lauterborn est né en mai 1942, trois ans plus tard, avec son frère ainé de âgé de 5 ans, il a vécu l’exode et les routes bombardées, séparé un temps de sa mère. De cet épisode Werner a développé et gardé une humanité rare.

Charismatique, curieux et ouvert aux autres il est devenu un physicien respecté ne comptant plus les articles dans des revues majeures, un opticien pédagogue auteur d’un ouvrage limpide d’optique cohérente et bien sur un acousticien fascinant auquel la Société Française d’Acoustique a décerné sa médaille étrangère en 1999 à ce Pionnier des systèmes dynamiques non linéaires en acoustique.

Werner était un scientifique de renom mais également un homme de culture fasciné par le geste en peinture: copiant sans arrêt Picasso, les peintres du Blau Reiter, les fauves, le douanier Rousseau et même les “peintres” de la préhistoire. Que ce soit à Darmstadt ou à Goettingen son bureau respirait l’art, et chaque congrès était pour lui l’occasion de visiter un musée, une exposition et de confronter les couleurs de ses copies à la réalité des tableaux.

Physicien d’exception Werner était un pianiste talentueux et a illuminé les parties de ping-pong avec Thomas Rossing et Murray Campbell à l’International Symposium on Musical Acoustics en 1995. Il y parla de chaos acoustique. A cet ISMA succéda à Lyon un ISNA où le non Linéaire brilla.

Werner courait le monde et propageait la bonne parole d’une science ouverte. Il accueillait dans les cadre des projets ALFA (America Latina Formacion Academica) de jeunes scientifiques sud américains pour des séjours prometteurs tout autant que des collègues venus de partout en Europe tout cela avec le même sens de la convivialité, de l’humanité. Etudiant à Goettingen, Professeur à Darmstadt puis professeur et directeur du Drittes Pysikalisches Institut à Goettingen il s’y est dépensé sans compter pour rassembler l’histoire des sciences et ouvrir celle-ci au monde d’aujourd’hui. Il a fait chanter les bulles jusqu’au chaos mais s’est aussi impliqué dans la préservation des objets de science comme le télégraphe de Gauss Weber qui ont fait de Goettigen une très grande université. Werner voulait garder l’Université et la physique au cœur de la cité et il a regretté de voir celle-ci déplacée dans des bâtiments sans âme.

Malgré cela il a continué à donner des conseils à acceuillir à suggérer. Pour ses 80 ans Goettingen lui a offert un séminaire qui l’a ému et depuis il avait plongé dans les forêts inventées du douanier rousseau : “Le rêve de Yagdiva” une toile de 2m sur 3m!

Werner nous a quitté, il laisse un foisonnement d’idées , de résultats de science. Il laisse le souvenir de rencontres inouies, et une immense tristesse.

Vincent Gibiat