Bruit et santé
Les effets du bruit sur la santé ont fait l’objet de nombreuses études qui font souvent appel aux compétences conjointes d’acousticiens, de psychologues et de médecins. Ces effets sont nombreux et souvent liés entre eux. Ainsi, la présence de bruit extérieur perturbateur dans une conversation peut conduire à la gêne et à la fatigue, tandis que la fatigue peut augmenter l’irritation.
Parmi les effets du bruit sur la santé on distingue généralement les effets auditifs, c’est à dire ceux entrainant une détérioration des performances auditives de la personne, et les effets non auditifs, c’est à dire ceux entrainant une dégradation de la santé humaine, système auditif exclu.
La présentation ci-dessous est une traduction directe de la revue bibligraphique publiée en 2005 par Marquis-Favre, Premat, Aubrée et Vallet [1].
Introduction
Certains domaines, tels que les effets du bruit sur l’audition ou sur le sommeil, sont connus ; d’autres domaines, tels que le bruit en tant que cause de gêne, de stress ou de problèmes cardio-vasculaires sont encore des sujets controversés. Il y a une grande quantité de références disponibles sur le sujet des effets sonores sur la santé humaine. Parmi les principales études de ces dernières années, on peut citer celle de l’Organisation Mondiale de la Santé [27], le travail de Mouret et Vallet [28] et une synthèse par Berglund et al. [29] sur le thème des effets sur la santé de sons basses fréquences.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé [30] «La santé est un état de complet physique, mental et bien-être social et pas seulement un état de maladie vacant ou d’infirmité ». Six points principaux sont généralement mentionnés dans les études concernant les effets sonores sur la santé: gêne due au bruit, les effets auditifs, les effets non auditifs, perturbation du sommeil, bruit au travail et une partie: «le bruit et les enfants ».
Les effets auditifs
Les effets auditifs sont aujourd’hui bien connus (voir [31,32]). On peut citer des dommages en raison de l’exposition de l’oreille moyenne à des bruits impulsif à des niveaux élevés et des dommages de l’oreille interne due à une exposition prolongée à des sons intenses.
Les effets non auditifs
Il est difficile de présenter les effets non auditifs en catégories distinctes car les effets pathologiques sont tous liés les uns aux autres et proviennent de sécrétions d’hormones et corticoïdes. Néanmoins, les effets peuvent être regroupés sous les thèmes suivants.
Les effets sonores sur les organes humains et les systèmes
Les effets sonores sur le système cardio-vasculaire sont souvent mentionnés [33, 34, 35]. Il s’agit d’un sujet controversé où les auteurs ne sont pas entièrement d’accord. Le point de désaccord concerne surtout les aspects épidémiologiques ([36, 37]). D’autre part, des études de laboratoire ont conclu que tout paramètre de bruit (durée, intensité et le type) va augmenter la pression artérielle et diastolique ainsi que la pression artérielle moyenne.
Le système respiratoire et le système digestif peuvent aussi être affectés suite à un stimulus sonore. Le bruit provoque une accélération du rythme respiratoire, ce qui conduit alors à une plus grande consommation d’oxygène. Parmi les troubles digestifs, les plus fréquents sont une diminution de la sécrétion de salive ainsi qu’une dégradation de la fonction intestinale. Les changements permanents dans la quantité de sécrétion du suc gastrique, ainsi que des changements dans sa composition ont tendance à provoquer des irritations intestinales, ce qui peut conduire à des ulcères gastriques ou intestinaux.
Il y a aussi des effets sur le système endocrinien. Rehm et Jansen [38] décrivent un exemple des effets de l’ACTH (Hormone Adreno Corticotrophine) sécrétée par les femmes enceintes après une exposition au bruit. Ces scientifiques ont mis en évidence l’implication que cette hormone joue dans le mécanisme de naissance prématurée. Des modifications de la sécrétion hormonale après une exposition au bruit sont également mentionnés lors de changements dans le système immunitaire (voir la revue de Bly et al, [39] [40]). Lors de l’exposition à un stimulus auditif considéré comme un facteur de stress, les globules blancs sont modifiés [41]. Leur rôle lors de réactions sérologiques, dans la protection immunitaire, de réponse allergique
et d’hypersensibilité à des substances étrangères inconnues est alors diminué. Muzet [42] conclut que l’organisme qui souffre d’une agression sonore répétée « a de capacités de défense amoindries, que ces capacités soient innées ou acquises « . Il faut aussi prendre en considération les spécificités de l’individu, où un organe fragilisé par une cause héréditaire ou lors de circonstances prénatales sera plus sensible aux effets du bruit.
Parmi les effets non auditifs du bruit, on doit noter les modifications qui peuvent survenir aux systèmes sensoriels spécialisés lorsque l’exposition au bruit est significative. La vision des couleurs est dégradée en période diurne et en période d’adaptation de la vision à l’obscurité (voir [43]). Une exposition à un bruit de 98 dB à 100 dB, avec un spectre de 50 Hz à 5000 Hz, provoque un rétrécissement du champ de vision (environ 10° dans le rouge), une dégradation de l’appréciation de la profondeur, une réduction de la vitesse de perception des couleurs, et surtout par une grave détérioration dans la vision nocturne [44].
Stress
Le stress doit être mentionné parmi les principaux effets non auditifs du bruit. Il s’agit d’une notion complexe, introduite par W. Cannon en 1935 [45] et rendu populaire par H. Selye [41], mais pas toujours définie avec précision par les auteurs s’y référant (voir [46, 47, 28, 48, 36]). Le stress (ou syndrome d’adaptation générale) est avant tout une réponse à un stimulus, globale et non spécifique, de l’organisme et est variable entre les individus. Au niveau physiologique, il se produit par la libération, sous l’action de l’ACTH, de catécholamines (Adrénaline et la noradrénaline) et de glucocorticoïdes. Selye [41] a montré que ce n’est pas l’agent agresseur qui est pathogène mais la réaction de l’organisme à cet agent. Malgré les différents travaux consacrés au stress (cf. [49, 50, 37]), il est important de souligner que la relation transitive «bruit-> stress physiologique-> pathologie » peut ne pas être démontré d’une manière fiable et stable pour de longues durées et des niveaux élevés d’exposition au bruit.
Les troubles du sommeil
Les effets du bruit sur le sommeil peuvent être décrits comme étant «un réduction du temps précédant l’apparition de la première période de sommeil paradoxal, une réduction de la durée du sommeil profond et une augmentation du nombre de réveils pendant la nuit « . Ces éléments ont été observés lorsque l’individu a été exposé à un bruit perturbateur. Le bruit irrégulier est plus problématique qu’une augmentation du bruit stable en période nocturne. Depuis 1969, Jansen a montré que le bruit à 55 dB (A), même s’il ne réveille pas le patient, est responsable de changements dans les cycles de sommeil, au cours desquels une réaction cardio-vasculaire peut apparaître ([51], voir aussi [52, 42]). L’étude des troubles du sommeil par le bruit est un sujet délicat car il n’est pas facile de décider si c’est le bruit qui est en cause quelque autre problème de sommeil. Pour certains patients éveillés, le bruit est le «bouc émissaire» cause de leur insomnie. En outre, il n’est pas facile à mesurer la qualité du sommeil (voir pour une description des différentes techniques de mesurage [53, 54, 55]). Une surveillance peut être réalisée avec des enregistrements du sommeil (EEG: electroencephalograms5, les maladies cardiovasculaires enregistrements), avec des questionnaires au réveil lors d’expériences de laboratoire, ainsi que des tests de performance et de vigilance [56]. Quoi qu’il en soit, il peut être conclu de ces expériences qu’il y a une grande la variabilité dans les modifications de la structure du sommeil par l’environnement sonore nocturne. Cela est dû à des différences interindividuelle et des recherches sur des conditions expérimentales. Mouret et Vallet [28] ont remarqué que les pays qui utilisent une cote unique de 24 heures ne prennent pas en compte les caractéristiques spécifiques nocturnes du sommeil perturbé (voir aussi [57]). Le lecteur peut trouver des études détaillées sur les effets de bruit sur le sommeil dans des références telles que [58, 59, 60, 61] et dans la récente étude réalisée par Miedema et al. [55].
Pour le bruit de l’environnement, une accoutumance physiologique certaine des personnes consultées est fréquemment mentionnée. Pour les physiologistes, cette habituation correspond à une disparition d’une réaction lorsque le stimulus est suffisamment répété. Pour l’exposition de longue durée aux bruits plus complexes, une habituation complète des réactions végétatives au bruit n’a pas été observée. L’adaptation est donc plus souvent limitée et est rarement complète. Il a été remarqué que pendant le sommeil, par exemple, les réactions à des événements bruyants étaient toujours présentes, même après de nombreuses années d’exposition. Ainsi, Muzet [42] a souligné que des personnes en bonne santé ont connu une disparition de la gêne, des réactions EEG et musculaires dès la troisième nuit d’exposition au bruit. Toutefois, en revanche, l’influence sur le système cardiovasculaire est demeuré inchangé et a persisté.
Le bruit au travail
Certaines études ont montré d’autres effets non auditifs dus au bruit comme une augmentation du temps de réaction [62], une réduction dans la rapidité d’éxécution de tâches [63] et une détérioration de certains aspects de la performance liée à des tâches de vigilance multi-sensorielles [64]. Mouret et Vallet [28] ont mentionné également les effets du bruit au travail sur la productivité, la sécurité, la performance, la conscience mentale et la vigilance. Récemment, Enmarker [65] a montré que, pour des enseignants, le bruit de trafic routier altérait l’aisance verbale faisant appel à la mémoire sémantique.
Le bruit et les enfants
Du même laboratoire suédois, Boman [66] a également montré l’effet du bruit du trafic routier sur les performances des enfants lors de la lecture de texte faisant appel à la mémoire à court-terme. Cela confirme des études antérieures montrant l’impact du bruit sur des mécanismes complexes de mémoire et sur la fonction cognitive [67, 68, 69]. Tous les chercheurs s’accordent sur le fait que peu de choses sont connues concernant les conséquences non-auditives de l’exposition quotidienne au bruit chez les enfants. Leur vulnérabilité à l’exposition au bruit a été reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé [27]. Certains travaux ont encore à être menés afin de comprendre l’incidence du bruit sur les enfants sur le développement intellectuel. Cela a conduit les chercheurs à travailler ensemble sur divers effets du bruit sur les enfants, à travers d’études de terrain multicritères (par exemple [70] pour examiner les résultats de stress, ou [71] pour l’examen la cognition et les résultats de santé).
Il convient également de mentionner que Vallet [72] distingue les effets négatifs du bruit (directs ou indirects) des effets positifs. Mis à part les effets négatifs directs déjà mentionné ci-dessus, il y a une catégorie particulière d’effets indirects : la prise de la médicaments (voir [73, 74]) contre le stress ou pour dormir par exemple, la dégradation du prix de l’immobilier [75] ainsi que la restriction de l’utilisation des espaces extérieurs.
Enfin, Nelson [59] résume, dans sa revue de référence, les principaux effets du bruit sur l’être humain. Il distingue trois catégories distinctes : les effets du bruit sur la santé, les effets du bruit sur des activités telles que le sommeil, la communication, les performances etc, et les effets du bruit sur la gêne exprimée. Ces différents effets du bruit sur l’être humain montrent encore la nécessité de traiter le bruit à la source et de travailler sur la mise en place d’indicateurs appropriés caractérisant les sources de bruit et l’exposition au bruit.
Eléments bibliographiques
[1] C. Marquis-Favre, E. Premat, D. Aubrée, M. Vallet, Noise and its Effects – A Review on Qualitative Aspects of Sound. Part I: Notions and Acoustic Ratings, Acta Acustica 91 (2005), 613-625.
– Guide bruit et santé – CIDB – 2013