Phénomènes physiques
L’onde sonore qui se propage entre une source de bruit (véhicule, machine, …) et un récepteur (riverain, microphone, …) va subir diverses modifications au cours de son trajet. Parmi ces modifications, on peut distinguer celles provenant de l’interaction de l’onde avec les frontières (sol, obstacles, …), et celles provenant du milieu de propagation lui même (distance de propagation, humidité de l’air, vent, …).
La propagation en champ libre
Divergence géométrique
A l’image des ondulations qui se propagent à la surface de l’eau quand on y jette une pierre, une onde acoustique en espace libre se répartit sur une surface qui augmente à mesure qu’elle s’éloigne de la source. La forme de la surface d’onde émise dépend du type de source. Pour une source ponctuelle omnidirectionnelle par exemple, l’onde émise est de nature sphérique. L’énergie acoustique émise se répartit donc sur la surface d’une sphère. À mesure que l’onde s’éloigne de la source, la surface de la sphère augmente et l’intensité acoustique diminue. Ce phénomène est appelé divergence géométrique. La divergence géométrique pour une source ponctuelle entraîne des atténuations de -6 dB et par doublement de distance. Ce phénomène étant simple et parfaitement connu, il est commun que les effets d’autres phénomènes soient présentés en termes d’atténuation relative à la divergence géométrique encore dénommée atténuation relative au champ libre. La figure ci-dessous illustre le phénomène de décroissance de l’amplitude d’une onde 2D lorsque l’on s’éloigne de la source.
Interactions ondulatoires : interférences
On parle d’interférences lorsque deux ondes de même type se rencontrent et interagissent l’une avec l’autre. Ce phénomène est commun à tous les phénomènes ondulatoires et se retrouve pour les ondes électromagnétiques ou lumineuses. Pour des ondes sonores, cela se traduit localement par un renforcement ou une compensation des mouvements du fluide. Ce phénomène peut apparaître lorsque l’on est en présence de plusieurs sources de bruit, ou lorsque la présence d’un obstacle entraîne une interaction entre l’onde non réfléchie et l’onde réfléchie. Ce cas peut se présenter par exemple dans le cas de la réflexion sur un sol (cf. l’effet de sol ci-dessous).
Intérférences d’ondes 2D de même fréquence générées par 2 sources
Effet Doppler
L’effet Doppler est le décalage de fréquence et la modification de l’amplitude d’une onde acoustique, entre la mesure à l’émission et la mesure à la réception, qui se produit lorsqu’une source est en mouvement par rapport à un récepteur. Ce phénomène est commun à tous les phénomènes ondulatoires et se retrouve pour les ondes électromagnétiques ou lumineuses. L’effet Doppler a été confirmé en acoustique par le chercheur néerlandais Ballot (en utilisant des musiciens jouant une note calibrée sur un train de la ligne Utrecht-Amsterdam).
Lorsque la source se déplace à grande vitesse, les fronts d’onde émis par la source en mouvement sont plus rapprochés en amont du mouvement qu’en aval, la source ayant tendance à « rattraper » le front d’onde émis à l’instant précédent (voir figure ci-dessous). Ce rapprochement des fronts d’onde se traduit par une onde de fréquence plus élevée en amont et moins élevée en aval qu’elle ne le serait au repos. Un son est ainsi perçu plus aigu lorsqu’il se rapproche et plus grave lorsqu’il s’éloigne (cf. l’exemple sonore ci-dessous).
Un cas limite de l’effet Doppler concerne les cas où l’on atteint et dépasse la vitesse du son, comme cela peut arrivé pour certains aéronefs.Lorsque l’avion se déplace dans l’air se forme une onde de choc causée par la rencontre entre toutes les parties avant (nez, bord d’attaque des ailes) qui se déplacent et l’air qu’il traverse qui est immobile par rapport à lui. Ceci donne naissance à une onde de choc qui se déplace à la vitesse du son et résultant de la compression de l’air sur le bord d’attaque de l’aile et de sa décompression brutale au bout de l’aile.
- Vitesse subsonique : cette onde se déplace vers l’avant de l’appareil.
- Vitesse transsonique : cette onde s’accumule devant l’avion, ce qui entraîne une forte augmentation de la résistance de l’air. C’est le mur du son.
- Vitesse supersonique : l’onde de choc s’écoule derrière lui. À la manière du sillage d’un bateau se déplaçant à une vitesse élevée, cette onde s’accumule sur un cône, appelé cône de Mach qui correspond à une concentration des ondes sonores derrière l’appareil et qui est perçue comme un choc sonore, le bang.
Interaction avec les frontières
Parmi les différentes frontières du domaine de propagation, on peut distinguer celle constituée par le sol et celles constituées par les obstacles que l’onde peut rencontrer (bâtiment, végétation, …).
Influence du sol
La modification de l’onde sonore due à l’interaction entre l’onde et le sol est appelée « effet de sol ».
En présence d’un sol, l’onde sonore qui arrive à un récepteur est la somme d’une onde qui provient directement de la source (onde directe) et d’une onde qui provient d’une réflexion sur le sol (onde réfléchie). La combinaison de ces deux ondes va entraîner des phénomènes d’interférences qui se traduisent par l’atténuation ou le renforcement de certaines fréquences. Ce phénomène de filtrage spectral modifie la perception que l’on aurait du son s’il n’y avait pas de sol, tout comme un equaliseur peut modifier par exemple le son retransmis par un sytème audio. Ce phénomène existe même si le sol est totalement réfléchissant et n’absorbe aucune énergie acoustique (sol en béton lisse peint par exemple). Un sol en partie absorbant modifie plus ou moins ce phénomène en modifiant l’amplitude et la position des interférences. Parmi les sols naturels les plus absorbants, on trouve les sols de sable (plage par exemple) ou les sols recouverts de neige fraiche.
L’effet de sol dépend beaucoup de la position de la source et du récepteur : plus la différence entre la longueur du trajet direct et celle du trajet réfléchi est grande, plus cet effet sera marqué. Pour une hauteur de source et de récepteur constante, ce phénomène est plus important à courte distance (jusqu’à quelques dizaines de mètre). A grande distance, le phénomène d’interférences n’apparaît plus pour les fréquences usuelles et l’effet de sol se résume à un doublement de l’énergie sonore (+3dB pour une source ponctuelle ou +6dB pour une source linéique). L’effet de sol dépend également beaucoup de la hauteur de la source et du récepteur, ce qui explique qu’il est très important en pratique d’avoir une bonne description de la position de la source et du récepteur pour prévoir correctement les niveaux sonores.
Les exemples sonores ci-contre illustrent comment l’effet de sol modifie le signal sonore : le sol contribue à augmenter le niveau sonore perçu au niveau du récepteur (énergie réfléchie par le sol) et à modifier son contenu fréquentiel (modification de la nature grave/aigue du son perçu).
Influence des obstacles
L’intéraction avec des obstacles peut donner lieu à différents phénomènes :
- Réflexions : une partie des ondes est réfléchie par l’obstacle après avoir été ‘modifiée’ par les caractéristique de sa surface. La réflexion peut être totale sur une surface réfléchissante parfaitement lisse (béton peint par exemple), ou bien partielle sur une surface absorbante et/ou rugueuse. La partie réfléchie peut intéragir avec la partie non réfléchie (onde directe) pour donner lieu à des phénomènes d’interférences.
- Réflexions multiples : en présence de nombreux obstacles (troncs d’arbre en forêt par exemple), on peut assister à la présence de réflexions multiples entre tous les obstacles qui peuvent donner lieu à la formation d’échos multiples et/ou d’un phénomène de réverbération (phénomène qui se produit lorsque les échos multiples sont tellement rapprochés qu’il est impossible de les ‘distinguer’ les uns des autres, ce phénomène est courant en acoustique des salles).
- Réflexion spéculaire / Réflexion diffuse : on distingue 2 grand type de réflexions, la réflexion spéculaire et la réflexion diffuse. La réflexion spéculaire correspond à une réflexion où l’énergie sonore est renvoyé dans une seule direction à partir du point de réflexion (à la manière d’une boule de rebondissant sur le bord d’un billard par exemple). Ce type de modélisation est celui qui est le plus utilisé dans les modèles actuels car il a l’avantage d’être relativement simple à modéliser, il ne correspond cependant qu’à un modèle simplifié de la réalité. La réflexion diffuse correspond à une réflexion où l’énergie sonore est renvoyée dans différentes directions à partir du point de réflexion (avec éventuellement une direction principale). Ce type décrit plus finement la réalité mais est plus difficile à prendre en compte dans les logiciels actuels.
- Absorption : une partie de l’énergie de l’onde peut être absorbée par la surface de réflexion. Ce phénomène peut être caractérisé par le coefficient d’absorption du matériau ou bien par son impédance acoustique qui peut être décrite par de nombreux modèles.
- Diffraction : lorsqu’une onde sonore rencontre une frontière présentant une discontinuité (arrête d’un obstacle, trou …), elle va être affectée par le phénomène de ‘diffraction’. Ce phénomène n’est pas particulier aux ondes sonores et se retrouve pour tous les types d’ondes (optiques, électromagnétiques, …). Il se traduit par une réémission de l’onde incidente dans de nomreuses directions à partir de la discontinuité. Ce phénomène est très courant en acoustique extérieure et se produit par exemple en présence du sommet ou des bords d’un mur, d’un écran acoustique, des arrêtes d’un batiment (murs, toiture, …), d’irrégularités de terrain marquées (sommet d’un talus, butte, …).
Effets atmosphériques
Le milieu de propagation de l’onde en milieu extérieur est l’air. Sa composition chimique et ses propriétés physiques peuvent influer sur l’onde acoustique au cours de sa propagation. On distingue traditionnellement les effets dus à l’absorption atmosphérique et les effets dus aux caractéristiques météorologiques de l’atmosphère (vent, température, hugrométrie, etc).
Absorption atmosphérique
L’atténuation des ondes sonores peut résulter de divers processus liés aux caractéristiques des fluides dans lesquels elles se propagent. Ces processus dissipatifs apparaissent le plus souvent dans les fluides complexes (non homogènes ou polyphasiques), mais également dans les fluides simples (en particulier dans les gaz). Leur importance a été définitivement établie dans de nombreuses situations réelles. Dans le cas des fluides « simples » qui ne sont pas le siège
de phénomènes particuliers tels que la cavitation, la dissipation de l’énergie acoustique résulte essentiellement de trois processus, respectivement liés à la viscosité, la conduction thermique et la relaxation moléculaire.
L’absorption atmosphérique est un phénomène qui dépend de la température et du taux d’humidité de l’air. Elle affecte davantage les hautes fréquences que les basses fréquences acoustiques, et n’a en général un effet significatif que sur des distances de propagation importantes (ex : 1dB/km à 200Hz et plus de 40dB/km à 5kHz, pour T=20°C et une humidité relative de 50%).
Effets météorologiques
La propagation d’une onde acoustique peut être sensiblement affectée par les conditions atmosphériques (vent, température). Cet effet est couramment appelé « effet météorologique ». Il dépend du comportement de l’atmosphère proche de la surface terrestre (jusqu’à 100 d’altitude) qui est décrit par les théories de la micrométéorologie (domaine de la météorologie s’intéressant à la couche limite de surface terrestre). Les phénomènes qui apparaissent à ces altitudes présentent ainsi une interaction très forte avec le sol (topographie, température de surface et de sous-sol, hygrométrie, cultures, forêts, obstacles, bâti, etc.) et évoluent rapidement dans le temps et dans l’espace, ce qui rend leur description analytique et leur modélisation numérique complexe.
Les théories de la micrométéorologie montrent que les échanges de chaleur entre le sol et l’air ainsi que la présence d’un relief rugueux peuvent entrainer une variation importante de la température et du vent avec l’altitude. La vitesse du son d’un milieu de propagation dépendant de ces deux grandeurs, l’onde va progresser dans un milieu où la vitesse du son peut varier fortement avec l’altitude. Cette inhomogénéité du milieu se traduit alors par une modification de la direction de propagation de l’énergie sonore : si en milieu homogène l’énergie sonore se propage en ligne droite, ce n’est plus le cas en milieu hétérogène où elle peut ainsi soit être rabattue vers le sol (cas d’un vent portant par exemple), soit être renvoyée vers le ciel (cas d’un vent contraire par exemple). Ces deux types de comportement expliquent alors respectivement le renforcement ou l’affaiblissement des niveaux sonores que l’on constate dans ces situations. Ces effets sont d’autant plus complexes à prendre en compte qu’il faut y ajouter l’influence des turbulences thermiques ou aérodynamiques, ainsi que la variabilité de ces phénomènes suivant le relief, le type de sol, la végétation, …
L’hétérogénéité de l’atmosphère peut mener à 3 conditions de propagation suivant le profil de vitesse du son résultant :
- Conditions de propagation homogènes : la vitesse du son est constante en fonction de l’altitude, les ondes sonores se propagent en ligne droite
- Conditions de propagation favorables : la vitesse du son augmente avec l’altitude, les ondes sonores sont rabattues vers le sol
- Conditions de propagation défavorables : la vitesse du son diminue avec l’altitude, les ondes sonores sont déviées vers le ciel
L’effet météorologiques est un phénomène très important à moyenne et grande distance d’une source sonore quelconque (bruit routier, ferroviaire, industriel, etc.). La compréhension de ces phénomènes physiques, qui sont une des causes des fluctuations acoustiques au cours du temps, est donc importante pour analyser correctement les résultats de niveaux sonores mesurés ou calculés. Ces effets sont loin d’être négligeables puisqu’on peut par exemple constater des fluctuations des niveaux sonores supérieures à 10 dB à une distance de 100m d’une source sonore située à 2m de haut. Selon la configuration envisagée (géométrie, topographie, caractéristiques de sol, etc.), ces effets peuvent même être significatifs à partir de quelques dizaines de mètres de distance à la source. Au niveau national, du point de vue strictement réglementaire, ces effets doivent être pris en compte seulement à partir de 250 m. Du point de vue normatif, la limite de distance est fixée à 100 m par exemple pour le bruit routier.
Au niveau opérationnel et expérimental, une méthode basée sur une classification des conditions de métérologie (ensoleillement, couverture nuageuse, vent, …) à l’aide d’un tableau à double entrée (dit ‘grille UiTi’ et décrit par la norme NF S 31-110 par exemple) permet d’identifier les conditions de propagation acoustique lors d’une mesure. Cela permet d’obtenir une estimation qualitative des situations où les niveaux sonores peuvent être renforcés (conditions favorables), atténués (conditions défavorables) ou non (conditions homogènes). Cette méthode ne permet cependant pas d’obtenir d’estimation quantitative.